Les Prophéties de Nostradamus ne sont pas un amoncellement hétéroclite de calamités et de catastrophes chronologiquement datées, toutes séparées et différentes les unes des autres. Au contraire, ce sont une collection recyclée d'un nombre réduit d'anciennes prophéties, reproduites à foison, ornées de réminiscences bibliques ou mythologiques, et de quelques sentences proverbiales. Pour en retrouver la signification, il est nécessaire de relier entre eux chacun des quatrains, composés de rébus et de charades, comme dans un puzzle ou une grille de mots croisés. Il est donc impossible d'attribuer à chaque quatrain une signification fantaisiste, séparée des autres au gré de son inspiration vagabonde.
L'auteur a fait une lecture de chaque quatrain avec une analyse méthodique du vocabulaire et de la syntaxe, des polysémies, des paronymies, des synonymies, des rébus et des charades, avec un renvoi répétitif aux correspondances dans tout le corpus nostradamien connu, et rappel des sources littéraires ou historiques. Ce faisant, il est apparu que les Prophéties contiennent beaucoup moins de concordances avec l'astrologie comme de nombreux exégètes passés l'ont complaisamment accrédité. Néanmoins quelques rappels de l'astronomie médiévale se sont avérés indispensables pour comprendre certains quatrains, en réalité assez peu nombreux.
La reconstitution du puzzle, sur l'échantillon des deux premières centuries, a été rendue possible parce qu'il existe dans tout le corpus nostradamien un fil directeur quasi obsessionnel, une chaîne reliant chaque partie à l'ensemble.
En fin de compte, Michel de Nostredame était un érudit à haut potentiel intellectuel, polyglotte, hyperlexique ; assistant aux prémisses des Guerres de religion, c'était aussi un personnage mystique, particulièrement tourmenté par une époque violente, annonçant déjà la décadence du christianisme et sa chute promise depuis la publication de la Nef des fous de Sébastien Brant à la fin du XVe siècle.