Consacrée à l’écriture constitutionnelle et à ses enjeux juridiques,
politiques et historiques, cette thèse retrace en particulier le long
processus de la révision totale de la Constitution du 29 mai 1874.
En
vigueur jusqu’au 31 décembre 1999, la Constitution du 29 mai 1874 a
bénéficié d’une durée de vie remarquable, puisqu’elle a connu la fin du
XIXe siècle et tous les aléas du XXe. Bien que ses défauts fussent
connus et discutés de longue date, elle s’est avérée extrêmement
difficile à réviser totalement, malgré sa procédure de révision totale,
souple et simple.
Partant de ce paradoxe, cette thèse retrace les
grandes questions juridiques, politiques et historiques liés à la
révision totale de la Constitution. Elle interroge le rôle prépondérant
joué par les experts à cette occasion, dont le rôle est à la croisée de
ces questions. Notre travail est structuré en deux parties : la
première est consacrée au cadre théorique de l’écriture
constitutionnelle et la seconde, au processus de révision totale
proprement dit. Après une introduction méthodologique, la première
partie décrit la notion d’écriture constitutionnelle, soit son objet,
ses modes ses normes et ses limites. Ensuite, elle retrace le long
cheminement historique du cadre juridique de la révision totale de la
Constitution du 29 mai 1874. La seconde partie de notre travail traite
de la révision de la Constitution du 29 mai 1874, en parlant des travaux
préliminaires, de la phase préparlementaire et des débats
parlementaires. L’avancement des travaux d’écriture constitutionnelle
est présenté dans son contexte intellectuel, à savoir les débats en
doctrine autour de la révision totale. La conclusion de la thèse
commence par décrire l’épilogue des réformes initiées dans le cadre du
projet de révision totale (volets A, B et C). Ensuite, elle expose trois
résultats de notre recherche. Tout d’abord, le paradoxe qui veut qu’un
système juridiquement facile à réviser soit stable politiquement.
Ce
résultat est surprenant, car il renverse l’idée généralement reçue que
le droit stabilise le jeu politique. Ensuite, les liens matériels entre
droit et politique existant dans l’écriture constitutionnelle sont
exposés, en particulier la signification politique cachée derrière des
aspects de technique juridique comme la systématique, la densité
normative et le langage constitutionnel. Finalement, les liens
personnels entre droit et politique, à savoir le rôle joué par les
experts est questionné. Les recherches entreprises dans le cadre de ce
travail ont démontré le rôle de premier plan joué par les experts, et en
particulier l’expertise académique. Cet état de fait autorise deux
lectures diamétralement opposées. On peut voir la contribution de
l’expertise comme une confiscation du débat public, par une entreprise
de dépolitisation des travaux de révision totale. Au contraire,
l’assistance fournies par les experts peut aussi être appréciée comme
étant indispensable à la réussite de ces travaux.
Ne pouvant trancher
cette question, nous ne pouvons que laisser le débat ouvert, en renvoyer
le lecteur à sa propre appréciation. Nous nous réjouissons d’ores et
déjà de tout commentaire sur ce travail et sur cette problématique en
particulier par courriel (olivier.bigler@unine.ch).