De 1480 à 1834, l'Inquisition espagnole a été placée sous l'autorité du pouvoir central. C'est ce qui la distingue des formes d'intolérance qu'on trouve dans d'autres pays à la même époque. Partout ailleurs, le pouvoir civil a prêté son concours au pouvoir spirituel pour punir les attaques contre la religion et il s'est souvent acquitté de cette tâche avec zèle ; il s'est fait, au sens propre, le bras séculier de l'Eglise. En Espagne, le pouvoir civil ne se contente pas de seconder l'Eglise ; il prend l'initiative de la répression, nomme les agents chargés de la mener à bien et leur donne un statut privilégié ; le Conseil de l'Inquisition est l'un des grands corps de l'Etat au même titre que le Conseil des finances ou le Conseil des Indes. La confusion du temporel et du spirituel contient en germe l'une des plus dangereuses tentations du monde moderne : la tendance à faire de l'idéologie le complément obligé du politique.
Joseph Pérez est professeur honoraire de civilisation de l'Espagne et de l'Amérique latine à l'université de Bordeaux-III. Fondateur et premier directeur de la Maison des pays ibériques de Bordeaux, ancien directeur de la Casa de Velásquez de Madrid, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire et la culture espagnoles, en particulier Isabelle et Ferdinand, Rois Catholiques d'Espagne (1988), Histoire de l'Espagne (1996), L'Espagne de Philippe II (1999), tous publiés chez Fayard.