Si la science moderne s’organise aujourd’hui de façon partagée dans le cadre d’universités et d’instituts qui emploient des chercheurs à plein-temps, elle est le résultat d’un long processus historique à l’intersection de trois sphères: politique, productive et idéologique. Cet ouvrage rend compte de cette marche de la science moderne et de son expansion dans le monde sur trois siècles (XVIIIe-XXIe), faisant apparaître des traits typiques de l’institutionnalisation de la science, en revenant sur les traces qui continuent de modeler le style de chaque discipline locale: importance des Lumières chez les libéraux en Amérique latine; lutte contre l’oppression coloniale en Inde, en Grande Colombie et en Amérique latine aux XVIIIe et XIXe siècles; initiative de souverains soucieux de préserver leur régime ou leur territoire (Égypte et Turquie du XIXe siècle face à l’avancée des impérialismes; empires des marges européennes); ou encore de factions militaires modernistes et nationalistes (Égypte nassérienne, Brésil)… En historicisant le développement des sciences, les auteurs de cet ouvrage vont au-delà de la thèse devenue classique défendant une globalisation des modes de production scientifique commandée avant tout par un écheveau de relations individuelles éphémères et créatives. Ils montrent au contraire l’existence d’une tension permanente entre la construction de ces réseaux scientifiques mondiaux et un rééquilibrage par des soutiens régionaux et surtout nationaux très divers, témoignant que les compétences scientifiques et techniques restent considérées par ceux qui les abritent comme une ressource hautement stratégique.