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Actuel, inactuel
註釋A mesure que de numéro en numéro se précisent et s'enrichissent les approches de la temporalité, les façons de la questionner, de l'arracher aux chronologies et aux conceptions événementielles de la réalité, nous en venons à interroger nos propres démarches, celles qui ne cessent de soutenir le titre même de cette revue : L'Inactuel. Nous n'avons pas encore l'âge des bilans - les bilans sont-ils d'ailleurs souhaitables ou même cohérents avec ce qui nous engage dans le choix renouvelé d'un tel titre ? En 1982 déjà, dans les deux pages de présentation du premier numéro de la revue l'Ecrit du temps que Jean-Michel Rey et moi commencions à animer aux éditions de Minuit, je mentionnais avec lui l'exigence de prendre la liberté d'être inactuels, selon le mot de Nietzsche. Cette revue-ci a pris la suite, et cela reste le registre dans lequel nous respirons vingt ans après, dans une nécessité encore plus grande aujourd'hui après les ruptures politiques, culturelles, idéologiques, matérielles que connaissent, comme précipitamment, justement les deux dernières décennies. Nous sommes dedans, quelles que soient nos générations, et il n'est pas certain que nous y comprenions grand chose, car tout se brouille entre " le monde d'hier " et les tâtonnements souvent aveugles du monde d'aujourd'hui. Aujourd'hui qui nous affronte nécessairement au fait qu'hier aussi, dans les " grands " moments, nous étions inévitablement aveugles. Rien à renier pourtant. C'est ainsi que dans ce numéro-ci, et à cet endroit du chemin, nos questions et nos obsessions - de l'inactuel, de l'anachronisme, des maniements voire des manipulations du temps - en viennent à se questionner elles-mêmes ; jusqu'à inverser parfois le rapport habituellement établi entre l'inactuel et l'actuel, le passé et le présent.