Nul n'est prophète parmi les siens. Muhammed le vérifia quand le clan dominant de sa propre tribu, les Omeyyades, rejeta la religion qu'il annonçait et le chassa de La Mecque. Vaincus, convertis du bout des lèvres, les Omeyyades devaient pourtant, peu après la mort du Prophète (632), s'emparer du Califat, c'est-à-dire de la direction de cet Islam dont ils n'avaient d'abord pas voulu, et conduire sa rapide expansion, de l'Indus à l'Atlantique. Mais tous n'avaient pas oublié leur péché originel. En 750, les Omeyyades sont renversés, et presque exterminés. Un des leurs réussit à fuir en Espagne, aux confins négligés de l'Empire. Deux siècles plus tard, contre toute attente, la puissance omeyyade s'y est affermie, tandis que leurs ennemis déclinent en Orient. Le temps semble venu de reprendre le Califat, ou du moins de le revendiquer en droit. Cette légitimité que leurs sujets andalous vont s'efforcer d'établir, non sans peine, est le thème de ce livre. Car si leur projet politique avortera, les Omeyyades auront, pour les besoins de leur idéologie, fondé les grands traits de la culture andalouse, l'une des plus brillantes de l'Islam et de l'Europe médiévale.